dimanche 24 octobre 2010

Le coeur des enfants léopards - Wilfried N'Sondé - Actes Sud

La pièce est celle d’une garde à vue. Un jeune homme est durement questionné. Il ne se souvient de rien. Il a mal, son corps et sa conscience le font souffrir. Arrivé très jeune en France, il a grandi dans un quartier de la banlieue parisienne où il a aimé longtemps et passionnément la blanche Mireille. Attirée vers d’autres horizons, Mireille l’a quitté et il a bu pour oublier. A présent, sous les coups de l’autorité, il ne sait plus, c’est le trou noir, le néant. Il en appelle aux esprits de ses ancêtres pour tenter de comprendre et d’évaluer la situation. A quel espace appartient t-il ? Quel est le bilan à ce point de sa vie ? Qui est-il ?

J’ai trouvé l’écriture subtile et magnifique pour définir cette quête de soi. Elle nous emmène dans les tréfonds de l’âme d’un déraciné. Bien sûr, il y a cet acte irréparable et inexcusable mais on ne sort pas indemne de cette lecture car elle laisse beaucoup de questions en suspens et nous laisse maître de notre réflexion.

Ce premier roman a reçu le prix des Cinq Continents de la francophonie, le prix Senghor de la création littéraire et ils sont mérités !

Extraits:

P 45 : Le silence est revenu, et c’est à Drissa que je pense. Drissa, c’est du gâchis, ce qui reste de toi. C’est quoi un nègre, un vrai ? Et tu tremblais déjà ! Quoi, t’es pas né au pays ? Tu ne le connais pas ? Tu ne parles pas la langue ? Noir dehors, blanc dedans ! Accroche-toi pour rester au moins dans ton paragraphe, sinon tu n’es plus rien après le point d’interrogation. Prends garde mon ami, ils veulent te rayer du texte, prends racine, ancre ta vie très vite, là où tu te sens bien, une toute petite parenthèse à ouvrir, rien que pour toi avec un peu de bonheur avant le point final.

P 79 : Je me remémore alors mes premiers pas en terre de France, émerveillé, c’est janvier qui m’accueillit. Ce premier, ce tout petit bond d’enfant au sortir de l’avion, la déception de constater que dans ce monde tant rêvé il pleuvait aussi, intempéries froides, grises, ponctuées d’inquiétants bruits mécaniques. J’imaginais, sous un soleil clément, un pays des merveilles, couvert d’une immense coupole de verre, en dessous de laquelle la vie des blancs coulait dans l’harmonie. J’étais convaincu qu’ils avaient réussi à créer un monde d’une haute humanité, dans lequel ils pouvaient se soulager d’un certain nombre de contingences matérielles.

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